Raconter l'histoire de la Bible
Plus qu'un musée
Aujourd'hui, dans plusieurs régions des Amériques et du monde occidental, il n'est un secret pour personne que la connaissance biblique est en déclin. Le musée Maná de la Bible, une organisation de l'Alliance qui se trouve à Mexico, veut encourager la connaissance de la Bible et de ses origines, et alimenter le désir de la lire et aussi de la traduire.
Cela peut surprendre qu'un musée fasse partie des organisations de l'Alliance Mondiale Wycliffe. Mais les responsables du musée Maná partagent la même passion pour inspirer les gens à explorer la Bible, son histoire et sa théologie. À travers des cours, des conférences, des expositions et une bibliothèque de ressources, le musée Maná est un pôle pour l'exploration académique, la découverte personnelle et un trésor d’artefacts et de textes.
« Le musée Maná est vraiment plus qu'un musée, nous dit le directeur d'Alliance Mondiale Wycliffe Région des Amériques, David Cárdenas. C'est un ministère qui contribue de façon unique, à travers ses dons et son expérience, à bénir tous ceux qui participent au mouvement de traduction de la Bible dans les Amériques. Dans le cadre de leur engagement dans le domaine de participation à la formation de l'Alliance, le personnel du musée Maná participe conjointement au renforcement d'autres centres de formation avec la formation L'image de Dieu et les langues ».
Le musée fournit aussi du matériel à l'Alliance et aux organisations partenaires pour divers évènements. Par exemple, en 2019, le musée Maná a collaboré avec la Société de la Bible du Chili en fournissant du matériel pour complémenter une exposition des Bibles traduites localement.
La réalisation d'un rêve
Dr Cristian Gómez, le fondateur du musée, a grandi à Mexico dans les années 1970 avec à portée de main un riche patrimoine de trésors culturels dans les nombreux musées de la capitale. En tant qu'étudiant ayant une foi intense en Dieu, il remarqua l'absence d'un musée qui mette en valeur l'histoire du livre qui constitue en soi un trésor du patrimoine mondial : la Bible.
Gómez commença une collection de Bibles, qui passa très vite de quatre à 100. Il s'adressa à des églises et autres groupes au sujet de la création d'un musée, mais personne ne s'est montré intéressé. Il commença à organiser des expositions dans des lieux culturels tels que des bibliothèques universitaires, et même des stations de métro. Il est finalement devenu un professeur, pasteur et théologien dont la carrière s'est étendue à l'Université nationale autonome du Mexique (UNAM) et à d'autres institutions.
Dans une démarche de foi, en l'an 2000, malgré les ressources limitées, Gómez créa le musée Maná à Mexico. Ce fut le premier musée de la Bible dans les Amériques. (Le musée de la Bible aux USA a ouvert en 2017.) La collection du musée comprend 3 000 Bibles, Nouveaux Testaments et portions des Saintes Écritures en 400 langues, y compris de nombreuses langues indigènes du Mexique.
Le musée a aussi accumulé une bibliothèque considérable de plus de 6 000 livres sur la théologie et l'histoire de la Bible. Gómez a passé 35 ans a collectionné des copies de textes anciens dans le but d'enrichir l'éducation sur le « texte le plus lu et le plus traduit de l'humanité ».
Les collections du musée incluent :
- Des copies fac-similées du Codex Sinaiticus du quatrième siècle et de la Bible de Saint Louis, connue pour ses belles illustrations manuscrites enluminées.
- Une copie de la première Bible espagnole imprimée aux Amériques en 1836 : la Bible Vence bilingue latin-espagnol, en 25 volumes avec un atlas.
- Des copies fac-similées de la traduction allemande de Luther, et des traductions anglaises de Wycliffe et de Tyndale.
La vision, nous dit Gómez, est « de... préparer des disciples qui continueront, dans les générations suivantes, à servir toutes les communautés chrétiennes et à susciter l'intérêt dans tous les secteurs de la société pour connaitre et valoriser le Livre des livres... ».
Mettre en lumière un livre interdit
C'est une vision qui demande de « nager à contre-courant » contre des courants de la culture mexicaine établis depuis longtemps. Traduire la Bible — et même la lire dans d'autres langues que le latin — a été interdit au Mexique pendant 300 ans. Dans les années 1500, des missionnaires catholiques d'Espagne ont commencé la traduction des catéchismes et des portions des Saintes Écritures dans des langues indigènes. Toutefois, après le concile de Trente en 1545, pour éviter la propagation d'hérésies, les dirigeants de l'église ont décrété que la Vulgate latine était la seule source fiable des Saintes Écritures. Ils découragèrent les traductions de la Parole de Dieu en langues vernaculaires sans l'approbation de l'église et ordonnèrent que les portions traduites soient détruites.
Ce n'est qu'en 1827 que la Société Biblique Britannique et Étrangère a envoyé des Bibles au Mexique. Toutefois, les premières copies autorisées étaient peu maniables et chères ; des séries de dix volumes qui incluaient les Apocryphes et un commentaire extensif approuvé par l'église. Des efforts pour traduire les Saintes Écritures dans des langues indigènes ont refait surface au Mexique au 19e siècle, encouragés par les réformateurs. (Le musée Maná a une des quelques copies existantes de la traduction de 1831 de l'Évangile de Luc en nahuatl.)
Pourtant, même quand les lois du milieu du 19e siècle limitèrent les pouvoirs de l'église et déclarèrent la liberté religieuse, ces libertés nouvellement établies ne déclenchèrent pas une révolution de lecture de la Bible dans le pays. La directrice du musée, Areli Hernández, remarque qu'aujourd'hui encore, beaucoup de Mexicains ont depuis longtemps l'habitude de se fier simplement à la doctrine enseignée dans l'église, même s'ils ont une Bible chez eux.
« Le souci des fondateurs [du musée], dit-elle, était de rendre disponible à la société mexicaine un espace dans lequel ils pourraient découvrir ce qu'est la Bible, comment elle s'est constituée, pourquoi il existe tant de traductions de la Bible, et ce qu'est l'histoire de sa traduction, des canons [bibliques] ».
Inviter à l'exploration personnelle
Le musée accueille les gens indépendamment de leur foi ou apprentissages dénominationnels pour explorer de première main les preuves et les documents de l'histoire du livre le plus aimé et le plus « honni ». Areli dit que les visiteurs posent des questions telles que : quelle Bible a été la première Bible ? Pourquoi y a-t-il plus de livres dans la version catholique ? Pourquoi était-il interdit de la traduire ou de la lire dans d'autres langues que le latin ? Comment sont effectuées ces traductions en langues indigènes ?
Ils montrent aussi une faim spirituelle intense, ajoute-t-elle. Certains étudiants viennent parce que leurs professeurs leur disent de venir, mais ils n'ont jamais lu la Bible. Beaucoup vivent dans un contexte qui décourage cette pratique. Une fois qu'ils viennent au musée, ils commencent à s'intéresser à lire la Bible pour eux-mêmes.
« Nous voulons simplement savoir que le message central de la Bible est quelque chose qu'ils peuvent comprendre en le lisant directement, dit Areli, et qu'il est intrinsèquement lié à l'amour de Dieu en Christ. Et beaucoup d'entre eux, cela commence à les intéresser de prendre des cours, ce qui fournit un espace plus large pour dialoguer, débattre ou explorer davantage les fondements des croyances de chacun ».
Concevoir l'église
Un autre rôle que remplit le musée Maná à travers ses expositions et conférences, c'est d'aider l'église à comprendre l'importance de la traduction des Saintes Écritures. Aujourd'hui, au Mexique, de nombreuses églises catholiques comme protestantes soutiennent et participent à la traduction des Saintes Écritures dans des langues vernaculaires.
En 2022, le musée Maná s'est associé à l'Ordre franciscain pour présenter une exposition sur la Bible au Temple et Couvent de Saint François d'Assise (Templo y convento de San Francisco de Asis) à Oaxaca. L'exposition, intitulée La Bible pour tous les peuples du monde : vers 500 ans de l'Évangile au Mexique, comprenait des présentations des manuscrits de la mer Morte, de la Vulgate latine, de la première traduction de la Bible en espagnol depuis les textes sources originaux par Casiodoro de Reina en 1569 et des traductions dans sept langues indigènes du Mexique.
« Je suis très reconnaissant pour l'engagement du musée Maná, dit Marc Schwab, directeur de SIL Mexique. Ils font beaucoup pour introduire la Bible dans les pensées et conversations des églises et des individus au Mexique, en partageant l'histoire, l'impact et l'importance de la Bible. Et, de surcroit, ils partagent aussi les besoins aussi bien que les progrès de la traduction de la Bible dans les langues indigènes du Mexique ».
En partageant l'histoire de la Bible, le musée cherche à créer de la passion pour son message et sa traduction.
« Nous désirons ardemment voir que l'église, indigène et non indigène, grandit dans la compréhension de l'histoire de la révélation [écrite de Dieu], nous dit Areli, et voit la valeur de sa formation. Donc, cela implique d'aider chaque personne à apprécier chaque traduction comme un acte historique de grande valeur. Ils peuvent alors dire au monde que la Bible est l'acte culturel le plus important de l'histoire de l'humanité, et que connaitre son message spirituel est un droit universel humain ».
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Un risque qu'il vaut la peine de prendre : traduire la Bible en espagnol
Quand la Réforme protestante s'est étendue à l'Espagne au 16e siècle, elle s'est particulièrement centrée sur le monastère de San Isidoro del Campo à Séville. Là, un moine du nom de Casiodoro de Reina et d'autres faisant partie de l'ordre ont adopté les croyances protestantes en étudiant les documents écrits par Martin Luther et d'autres. Reina et ses frères moines ont adopté l'accent de la Réforme sur l'accès aux Saintes Écritures dans la langue vernaculaire et la liberté d'exercer une interprétation personnelle, plutôt que de devoir les lire en latin et être instruit par le clergé. Tout comme les contemporains Martin Luther et William Tyndale risquèrent leur vie pour traduire la Bible en allemand et en anglais, Reina risqua la sienne pour traduire la Bible en espagnol. Il fuit à Genève en 1557 avec 11 de ses frères moines juste avant qu'ils ne soient arrêtés par les autorités. (Certains des moines qui étaient restés sur place furent martyrisés par les chefs de l'Inquisition.)
Reina se déplaçait pour échapper à l'Inquisition. Il continua la traduction, probablement avec l'aide de collègues, se référant à d'anciennes portions des saintes Écritures traduites en espagnole et à des textes sources hébreux et grecs. Reina publia la Bible complète en espagnol en 1569 à Bâle. On l'appela la Biblia del Oso, ou la Bible de l'Ours, à cause de la marque de l'imprimeur sur la page de garde qui montre un ours mangeant du miel. Sous l'illustration, se trouve une citation d'Ésaïe 40:8 en hébreu et en espagnol : « La parole de notre Dieu subsiste éternellement. » Le musée Maná possède une des seules copies de la Bible qui aient survécu.
Après la mort de Reina en 1594, un de ses frères moines de San Isidoro, Cipriano de Valera, publia une révision en 1602, qui devint la Bible Reina-Valera, largement utilisée, qui a été révisée et mise à jour dans diverses éditions jusqu'à aujourd'hui.
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Reportage : Gwen Davies et Jim Killian, Alliance Mondiale Wycliffe
Les organisations de l'Alliance peuvent télécharger et utiliser les images de cet article.
Remerciements particuliers à Alan Arriaga Robles (directeur d'Origines International Schoolhouse) pour son aide avec l'interprétation de l'entretien.
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